Many thanks to Tristan Morris for creating a beautiful illustrated hardcover print edition of the site |
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(Sorry, this page has not been translated by the translator you selected.) Le Temple du Gong d'Airain Matinal avait répandu la nouvelle que plusieurs lits étaient libres dans son réseau de petites abbayes. Une rumeur populaire était qu’il y avait eu un regrettable incident avec du papier, suite à quoi un nombre de moines avait été “sacqués”. Le terme n’était pas argotique : au Temple, on utilisait de vrais sacs. Une fois ligotés dans la juste, on envoyait les infortunés rouler à flanc de montagne tels des fagots de bois, suite à quoi les plus chanceux s’écrasaient avec force contre des pins. Les moins chanceux rataient les pins et se dirigeaient directement vers le bord de la falaise, et au delà. (Ceci n’est aucunement la pire des choses qui puisse arriver à un moine. Les initiés étaient en général plus inquiets qu’on leur disent quand ils “jouent avec le feu”, un rituel à base de salpêtre, soufre, charbon, et un gros canon Plus douloureux encore est la méthode pour réduire les coûts que l’on appelle “redimensionner”, dans laquelle on faisait tenir les moins dans de plus petits bureaux en retirant quelques centimètres non nécessaires, soit en commençant des doigts de pieds pour remonter ou (dans le cas du management) du cou pour redescendre. Et personne n’ayant travaillé aux cuisines ne voulait imaginer ce qu’impliquait le processus de cinq jours qu’on appelaît “changer de boîte”.) La nouvelle des places libres arrive aux oreilles d’une novice nommée AAradhya. Elle vivait dans un pays chaud très loin du temple, un endroit aux collines nues frappées par un soleil de plomb. L’air était empli de poussière. Elle couvrait sans discrimination la peau, les dents, et les circuits imprimés. À l’inverse de sa famille, Aaradhya n’avait pas réussi à s’y habituer, et après vingt ans à la respirer elle en avait eu bien assez. Le site Web du temple annonçait bien que des entretiens étaient ouverts, mais ne fournissait ni moyen de contact ni formulaire pour manifester son intérêt. Curieusement, il n’y avait même pas d’information qui dirait où se trouve le temple. Aaradhya parcourut chaque page et finit par trouver un numéro de téléphone écrit en blanc sur fond blanc. Mais la voix qui répondit annonça n’être que l’ermitage qui hébergeait le site Web public du temple. “Je vous serais fort reconnaissante si vous pouviez me donner le numéro du temple lui-même,” dit Aaradhya, plongeant son pinceau dans un pot d’encre noire. Elle le remua pour faire disparaître le fin film de particules qui s’y était déposé. “Quatre cent trois,” répondit l’ermite. Aaradhya écrivit les chiffres et attendit qu’il continue, mais la ligne restait silencieuse. “Et pourriez-vous me donner le reste du numéro ?” demanda Aaradhya. “Quatre cent trois,” répondit l’ermite. Et de nouveau il y eut une longue pause, et de nouveau le nombre de chiffres était insuffisant. Aaradhya posa son pinceau, tapotant du doigt sur la table en réfléchissant. “Donnez-moi une émeraude de la taille d’un oeuf de pluvier,” ordonna-t-elle. “Quatre cent quatre,” répondit l’ermite, et Aaradhya sourit de satisfaction, car elle savait qu’elle venait de trouver son algorithme. “En vérité vous n’êtes pas un ermite solitaire mais un frère du Clan de l'Araignée,” dit-elle, “car vous répondez selon leur légendaire coutume. Y a-t-il un moyen par lequel le temple puisse être contacté par l’humble requérante que je suis ?” “Deux cent fois dois-je vous répondre oui.” “Et votre estimée persone pourrait-elle me signifier ce moyen ?” “Deux cent et quatre fois dois-je vous répondre non.” “Frère ermite, vous êtes en effet un maître des toiles, car de fait je me retrouve empêtrée dans l’une d’elles. Ne pouvez-vous offrir à la pauvre novice que voici ne serait-ce qu’une redirection ?” “Trois cent et une fois je vous renverrais là d’où vous venez ; mais il semble certain que c’est ici que vous souhaitez être,” dit l’ermite. Il y eut un court bip, puis un parfait silence électronique. Aaradhya posa son téléphone. La page avec le numéro de l’ermitage brillait encore sur son écran. Elle ne disait pas grand chose d’important, en tout cas c’est ce qu’il semblait ; car elle contenait exclusivement des hyperboles enthousiastes tissées de buzzwords polysyllabiques—un dialecte utilisé seulement par le trois fois méprisé Clan du Serpent Lubrique. Aaradhya tenta de déchiffrer les passages pour y trouver quelque contenu utile jusqu’à ses yeux s’en assèchent et que sa tête ne lui fasse mal. Elle finit par s’asseoir de défaite, réfléchissant à ce qu’elle devrait faire par la suite. On pouvait voir dans l’apaisante image de fond de la page les terres du temple dans la brume matinale: le brouillard qui s’élevait se fondait élégamment dans la zone de contenu blanche. Le soleil pâle renforçait l’impression de fraîcheur. De fait, elle pensa: si c’est là que je souhaite être, c’est là que je dois être. Car mon vieux maître de C me l’a appris : le pointeur vers un tableau de caractères peut être vide, mais jamais le tableau de caractères. La téléprésence n’est au mieux qu’un fragile ersatz de la présence. Ainsi Aaradhya fit ses adieux à sa famille, jeta son bol sur son dos, sa jarre à l’épaule, et partit vers la lointaine province dans laquelle la rumeur disait que se trouvait le temple. (Oui, oui, vous êtres très malin. Mais il semble évident que je ne vous donnerai pas mon numéro de téléphone ici.) Traduit par Sylvain Abélard. Un extrait de The Codeless Code, par Qi (qi@thecodelesscode.com). Distribué sous la Creative Commons Attribution-NonCommercial 3.0 Unported License. |