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La nonne Yíwen accordait un guqin dans ses quartiers quand sa camarade de chambrée Hwídah revint et s’effondra dans une chaise, visiblement abattue. “Dix mille pardons pour ma curiosité,” dit Yíwen, “mais ton sourcil est plus froncé qu’à l’accoutumée. As-tu encore été enquêter les problèmes de nos systèmes de production ?” “C’est tout ce que je semble faire ces derniers jours”, soupira Hwídah. “Bien que la cause de notre problème de ce soir était particulièrement irritante. Chacun des choix de la développeuse était optimal en le considérant indépendamment, mais leur combinaison dans le système global était désastreuse. Ainsi, la meilleure approche pour corriger ce problème reste insaisissable.” “Voilà qui est fâcheux !” dit Yíwen. “As-tu informé la développeuse de ce dilemme, afin qu’elle puisse méditer sur le sujet ?” “Il n’en est nul besoin,” dit Hwídah. “Car tu as devant toi cette âme misérable.” Un moment passa durant lesquelles elles s’assirent en silence, tandis que Hwídah trouvait quelque réconfort dans les quelques notes mélodieuses que Yíwen jouait. “L’acte de coder et la composition de musique ont beaucoup en commun,” observa Hwídah. “Chaque note peut être parfaite prise séparément, mais on ne peut les juger séparément. Elles doivent être jugées en fonction des notes précédentes et suivantes, telles les étapes d’un algorithme.” “Mais chacune doit aussi être jugée en fonction des notes jouées en même temps qu’elle, ne penses-tu pas ?” demanda Yíwen. “Mélodie et harmonie sont la trame et la chaîne de la musique ; car la note a deux dimensions, mais le temps n’est qu’un axe. Même sur mon humble guqin, la vibration d’une corde fait vibrer ses soeurs à l’unisson, de la même manière que de multiples fils d’exécution impactent les uns sur les autres dans une application.” “Si seulement les harmonies du logiciel pouvaient être aussi simples que celles du son !” dit Hwídah. “Car j’ai ‘joué’ mon application de nombreuses fois en privé, et jamais aucune note ne semblait dissonante !” “Simple ?” demanda Yíwen. “N’as-tu jamais entendu parler de la Douzième Racine ?” “Il y a bien longtemps,” dit Yíwen, “il fut découvert que si une corde est pincée en même temps qu’une autre corde d’exactement la moitié de sa longueur, les deux notes sont si semblables qu’on les juge identiques. On a aussi observé que si une corde est pincée avec une autre qui est de deux-tiers de sa longueur, l’harmonie qui en résulte produira un son plaisant. Cela est vrai pour de nombreux rapports simples, comme trois quarts ou quatre cinquièmes, et deux cinquièmes, et ainsi de suite. Ainsi l’échelle musicale a-t-elle pris forme autour de fractions simples.” “Cependant, aucune des tentatives de trouver une échelle parfaite pour le clavier n’a porté de fruits. Car il existe de nombreuses fractions de cette sorte, et de nombreuses façons de les arranger, mais quelle que soit la tentative pour accorder le tout, elle contenait toujours quelque imperfection intolérable. Un intervalle qui sonnait exquis à l’oreille sur une clé finissait par hurler comme un loup dans une autre. “Chaque choix est optimal pris indépendamment, mais la combinaison est désastreuse,” murmura Hwídah. “Mais alors, comment ton clavier est-il accordé ?” “Par le meilleur de tous les mauvais compromis,” dit Yíwen. “Il y a douze notes par octave, alors le rapport de chaque note à la précédente est la douzième racine de deux. Car bien que ce soit une fraction irrationnelle, elle assure que douze pas plus haut nous amène exactement une octave au-dessus de notre point de départ. “Dans cette gamme tempérée, aucun intervalle n’est un rapport entier sauf l’octave : ils sont tous très légèrement trop haut ou trop bas. Mais cela nous permet de transposer des chansons dans n’importe quelle clé sans distorsion ou dissonance. De cette façon, la perfection a cédé au pragmatisme... car bien que l’harmonie des pâturages soit perturbée lorsqu’on les ceint de clôtures, ne pas en mettre serait laisser rentrer le loup.” Notes du TraducteurN’étant pas musicien il est probable que j’aie perdu bien des nuances ici. Le titre original “Wolf in the Fold”, se trouve aussi dans Star Trek saison 2 épisode 14. Sa traduction est “Contamination”, mais ça ne correspondait pas plus à ce kōan que le titre “Quinte du Loup”. J’ai fini par choisir “le loup dans la bergerie”. Traduit par Sylvain Abélard. Un extrait de The Codeless Code, par Qi (qi@thecodelesscode.com). Distribué sous la Creative Commons Attribution-NonCommercial 3.0 Unported License. |